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"Adolescence et consommation d'écran : entre risques et vertu"

Résumé du lunch-santé animé par Matthieu Weissbrodt

Selon les chiffres d’Addiction Suisse, en 2018, 8,5% des jeunes de 12-19 ans souffraient d’un usage problématique des écrans. Ces chiffres préoccupent d’autant plus que l’adolescence est une période clé de maturation du cerveau. Quels sont les signes d’un usage problématique ? Quels sont les impacts sur la santé mentale ? Et que pouvons-nous mettre en place que ce soit en tant que parents ou en tant que professionnel-le-s afin que les écrans restent des outils au service de notre quotidien et non l’inverse ? Autant de questions auxquelles Matthieu Weissbrodt, intervenant en addiction chez Addiction Jura, a tenté d’apporter des pistes de réflexion.

L’addiction aux écrans : qu'est-ce que c'est et comment l’identifier ?

Matthieu Weissbrodt prend l’image d’une ornière afin d’expliquer ce qu’est l’addiction. Lorsqu’un comportement est émis, le cerveau crée un nouveau chemin de décisions. Plus ce dernier est emprunté, plus son sillon se creuse et donc plus il devient difficile d’en sortir et d’emprunter des chemins alternatifs. Mais la vitesse à laquelle se creuse ce sillon et sa profondeur vont dépendre à la fois du sol (vulnérabilité de chacun-e) et du poids du véhicule (renforcement du comportement). Nous sommes donc inégaux-ales face à ce phénomène.

Au début, le comportement en question procure du plaisir. L’addiction survient lorsque le comportement continue d’être recherché et répété de manière compulsive alors même que la personne en subit les conséquences négatives. Ainsi, l’addiction engendre une souffrance ainsi qu’un changement du rapport au monde.

A noter également qu’il existe plusieurs stades avant d’arriver à celui d’addiction : L’initiation, le festif, la consommation problématique et finalement l’addiction. Dans le cas de la consommation d’écrans, on parle plutôt d’abus de consommation, celui-ci ne dépassant en général pas le stade de la consommation problématique. De plus, la littérature scientifique n’a pour l’instant pas démontré l’existence d’une réelle addiction aux écrans, même si de plus en plus de recherches montrent des ressemblances avec le diagnostic des addictions aux jeux.

Il serait réducteur et incorrect de ne prendre en compte que le temps passé sur les écrans pour évaluer si un-e adolescent-e souffre d’addiction aux écrans. En effet, un-e adolescent-e peut passer beaucoup de temps sur les écrans tout en ayant de bonnes notes, d’autres activités et des amitiés significatives.

En plus du temps passé sur les écrans, les signaux suivants devraient

attirer l’attention :

  • Poursuite du comportement malgré ses conséquences négatives

  • Perte de contrôle (fréquence, durée, qualité)

  • Craving (besoin irrépressible de produire le comportement)

  • Déni

  • Perte de la notion du temps

Quels risques pour la santé mentale ?

Comme dit précédemment, nous réagissons différemment face à laconsommation des écrans. Certains facteurs externes (deuil, contexte familial conflictuel etc.) et internes (faible estime de soi, anxiété sociale etc.) peuvent augmenter le risque d’abus face aux écrans. On ne sait d’ailleurs souvent pas très bien déterminer si ce sont ces facteurs qui sont à l’origine de l’abus d’écran ou l’inverse..

La période de l’adolescence, marquée par la recherche de nouvelles expériences et sensations et par la maturation du cerveau, est particulièrement à risque face aux dangers que peuvent représenter les écrans. Paradoxalement, ce cerveau en pleine maturation est également plus malléable que celui des adultes et constitue donc aussi une ressource pouvant aider les adolescent-e-s à sortir d’une addiction.

Les impacts négatifs de l’abus de consommation des écrans sur la santé mentale sont multiples :

  • Dépression, anxiété, agressivité, baisse de l’estime de soi

  • Baisse des notes, difficultés de concentration et d’apprentissage

  • Baisse de la qualité/quantité de sommeil, sédentarité, malbouffe, fatigue des yeux, baisse de la vue

  • Isolement social (Ne plus voir les amis, laisser tomber d’autres activités)

  • Désinformation, contenus inadaptés, cyberharcèlement et harcèlement sexuel

Parler aussi du positif : quelles sont les opportunités liées aux écrans ?

Malgré les risques que comporte l’utilisation des écrans, il ne faut pas en oublier les opportunités auxquelles elle donne accès. Il est particulièrement important de garder à l’esprit que les liens sociaux tissés en ligne avec ses pairs sont réels pour les adolescent-e-s. L’utilisation des écrans peut aussi contribuer à devenir plus autonome et à un sentiment de valorisation au travers du développement de ses compétences, ses connaissances, son esprit critique ou encore sa créativité. De plus, elle facilite l’accès à certains services et ouvre à différentes cultures et enjeux sociaux.

Comment (re)trouver le bon équilibre au quotidien pour les jeunes ?

Trouver le bon équilibre n’est pas facile. Pour s’aider on peut s’imaginer cet équilibre à l’interface entre temps, contenu et moment :

  • Le temps : L’objectif n’est pas d’éliminer les écrans de notre vie, mais de prendre conscience de la place que nous leur accordons dans notre quotidien et de s’assurer que notre temps d’écran ne prend pas le pas sur les autres sphères de notre vie.

  • Le contenu : L’objectif est de privilégier les contenus qui nous apportent quelque chose de positif en termes de divertissement ou d’information par exemple, en somme qui possèdent une valeur ajoutée.

  • Le moment : Déterminer si le moment est approprié ou non pour être sur notre écran va dépendre de la culture familiale. Par exemple, l’utilisation des écrans peut être inappropriée lors d’un repas en famille ou entre ami-e-s, du temps dédié aux études hors-ligne, d’une conversation avec quelqu’un, etc.

 

Pour s’aider, on peut aussi essayer de se désabonner des certaines applications, cesser de publier du contenu, varier les sources de divertissement, mettre son écran en noir et blanc, supprimer les notifications, se fixer des limites ou encore mesurer ses temps d’écran.

Afin de soutenir son adolescent-e dans sa consommation des écrans, il est important de communiquer à ce sujet avec lui/elle sans le/la juger mais plutôt en s’intéressant à ce qu’il/elle fait et aime. Idéalement, le cadre devrait être co-construit, car négocier a souvent plus d’impact que d’imposer. Dans certains cas, l’installation d’une application de contrôle peut constituer une bonne base de discussion. Non pas pour surveiller son enfant, mais plutôt en la mettant au service de la relation, en faisant ensemble un bilan en fin de semaine de sa consommation d’écran.

Comment agir et se positionner en tant que professionnel-le ?

Il est important de garder à l’esprit que ce n’est pas parce que la personne veut, qu’elle peut sortir de son addiction ; il est plus constructif de la rejoindre là où elle en est. De plus, même si délivrer de l’information peut aider, elle ne suffit pas. En effet, face au déni, construire un lien de confiance avec l’adolescent-e reste le levier d’action le plus pertinent.

Les professionnel-le-s sont donc encouragé-e-s à promouvoir des environnements non-jugeants, inclusifs et accueillants favorisant l’apprentissage et le partage. Dans ce contexte, le travail de détection précoce est facilité et permet d’orienter dans le réseau les adolescent-e-s ayant besoin d’une aide spécifique. C’est pourquoi il est conseillé en tant que professionnel-le de se renseigner sur les ressources externes disponibles (prix, prise de rendez-vous, confidentialité etc.) afin de pouvoir délivrer des informations les plus rassurantes et précises possibles sur les structures d’aide existantes.

Finalement, il est nécessaire d’interroger son propre rapport à la consommation des écrans et faire preuve d’humilité.

 

Conclusion

Pour conclure, l’addiction aux écrans peut toucher tout le monde mais nous ne sommes cependant pas tou-te-s égaux-ales face à celle-ci (prédispositions personnelles et environnement). La période de l’adolescence, marquée par de nouvelles expérimentations et la maturation du cerveau, est souvent considérée à risque face à l’émergence de cette problématique, mais elle offre aussi paradoxalement une certaine malléabilité cérébrale pouvant être une ressource.

Afin d’identifier une consommation problématique, le simple temps d’utilisation ne suffit pas. D’autres signes doivent être présents, la notion de souffrance et de conséquences négatives étant centrales. Ouvrir la discussion et créer des espaces non-jugeant sont un premier pas vers une détection précoce. Pour trouver un certain équilibre, des petites astuces quotidiennes existent. Cependant, si ces dernières ne sont plus suffisantes, il est important de s’orienter vers une aide professionnelle, car ce n’est pas parce que l’on veut sortir de l’addiction, que l’on peut, encore faut-il recevoir l’aide adaptée.

Pour prolonger la réflexion :

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