Stress et régulation émotionnelle chez
les adolescent·e·s : des neurosciences à
l’intervention précoce
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​​​​​Résumé du lunch santé donné par Camille Nemitz Piguet.
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Camille Piguet Nemitz est psychiatre aux Hôpitaux universitaires de Genève et Docteure en neurosciences. Dans ses activités de recherche à l’Université de Genève, elle étudie plus particulièrement comment le cerveau réagit au stress et comment les jeunes peuvent apprendre à réguler leur stress, dans le but de prévenir les troubles comme l’anxiété ou la dépression.
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Le stress : qu’est-ce que c’est et à quoi sert-il ?
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Le stress est une réaction automatique à une situation potentiellement menaçante pour la survie de l’individu. En effet, face à une menace, physique (baisse de la tension artérielle, hémorragie, blessure, etc.) ou psychique (menaces verbales, agression, etc.), le système limbique de notre cerveau réagit immédiatement. En activant le système nerveux sympathique, il déclenche une libération rapide d'adrénaline, qui prépare le corps à réagir selon les "3 F" : Fight (combattre), Flight (fuir) ou Freeze (se figer). Si la menace persiste, l'hypothalamus stimule les glandes surrénales pour libérer du cortisol, une hormone qui aide à maintenir l'énergie et être en état d’alerte à plus long terme. Une fois le danger passé, le système parasympathique prend le relais pour calmer l'organisme et restaurer l'équilibre. Ainsi, le stress n’est pas mauvais en soi : il permet notre survie et de surmonter des situations compliquées, car il stimule la vigilance, améliore les performances et prépare le corps à réagir efficacement à des situations difficiles. En revanche, on parle de mauvais stress quand, par son intensité et/ou sa durée, le stress engendre un traumatisme et provoque des comportements d’évitement, un sentiment d’impuissance, de l’épuisement émotionnel et une mauvaise estime de soi.
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En effet, un stress chronique peut entraîner des répercussions négatives sur la santé, notamment en provoquant de l’anxiété, des troubles cardiovasculaires et des altérations du fonctionnement du système immunitaire. Camille Piguet Nemitz souligne également que le stress chronique est associé à un risque accru de troubles mentaux, tels que l’anxiété et la dépression. Toutefois, bien que le stress soit une réaction automatique, il est possible de le réguler pour éviter qu’il ne devienne chronique et nuisible à la santé physique et mentale.
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Le cerveau des adolescent∙e∙s est particulièrement sensible au stress
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L’adolescence est une période de transition marquée par une croissance rapide et des changements biologiques, psychologiques et émotionnels significatifs ; c’est une période de vulnérabilité et d’opportunités. Pendant cette phase, le cerveau continue de se développer jusqu’à environ 20-25 ans, notamment au niveau du cortex préfrontal, une région cruciale pour la régulation des émotions, du stress et des comportements. En raison de cette maturation incomplète, les adolescent∙e∙s restent particulièrement sensibles et réactif∙ve∙s émotionnellement, avec des réactions intenses face aux situations quotidiennes, où tout peut devenir une source de stress. Cette sensibilité, combinée à une grande plasticité cérébrale, favorise l’apprentissage et l’exploration de nouvelles expériences, mais s’accompagne également de prises de risques accrues, de situations potentiellement dangereuses, souvent amplifiées par la recherche de validation sociale auprès des pairs.
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Camille Piguet Nemitz, psychiatre attentive à la santé mentale des jeunes, souligne que deux tiers des troubles psychiatriques se manifestent avant l’âge de 25 ans et qu’un cinquième des jeunes présente un trouble psychique. De plus, un∙e adolescent∙e sur trois se sent stressé. Comme le stress chronique, en particulier, peut jouer un rôle dans le déclenchement de troubles tels que l’anxiété et la dépression, notre intervenante souligne l’importance de mettre en place des dispositifs qui aident les jeunes à apprendre à réguler leurs émotions et leur stress. Ces interventions précoces peuvent contribuer à réduire les conduites dangereuses, tout en protégeant les jeunes des troubles mentaux comme l’anxiété et la dépression.
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Le diagnostic : un outil à manier avec précaution
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Camille Piguet Nemitz souligne le lien entre le stress, qui peut générer des peurs, puis de l’anxiété, et l’apparition d’un trouble anxieux. Mais l’établissement d’un diagnostic à l’adolescence comporte, selon notre intervenante, des aspects positifs et négatifs. D’une part, la reconnaissance de la présence de certains symptômes liés à des troubles psychiques peut permettre d’initier une intervention précoce, réduisant le risque que le trouble se déploie plus largement à l’âge adulte ; d’autre part, la psychiatre reconnait la difficulté à trouver des marqueurs des troubles psychiatriques. En effet, ils ne font que décrire les observations des psychiatres, mais ne constituent pas tout à fait des maladies bien définies. Il est donc nécessaire de pouvoir aider les jeunes en proie à de la détresse psychologique, sans avoir pour but de donner un diagnostic. Ainsi, il est important de considérer que les jeunes entre 12 et 25 ans vivent une période de vulnérabilité durant laquelle il est important d’intervenir en fonction des besoins : il s’agit de mettre en œuvre des démarches de prévention, tout en ayant une grande réactivité si des besoins de soins plus spécifiques se font ressentir. Il est en effet important de pouvoir repérer les jeunes qui montrent leur détresse, afin qu’ils∙elles puissent être pris ∙e en charge rapidement par des professionnel∙le∙s de la santé. Toutefois, il paraît essentiel pour notre intervenante d’inclure les familles et le contexte social (emploi, formation) à la démarche.
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L’éducation à la santé mentale : un outil de promotion de la santé mentale, pour les jeunes et leur entourage
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Pour Camille Piguet Nemitz, il est très important de permettre aux jeunes de comprendre ce qui se passe dans leur corps à l’adolescence et de leur expliquer le phénomène du stress, son utilité et comment celui-ci peut devenir délétère pour la santé. Cette psychoéducation permet une conscientisation des fonctions de nos ressentis, mais également de donner des clés sur ce dont a besoin notre corps pour être en mesure de revenir au calme, après une situation stressante. Les entourages et les familles doivent également faire l’objet d’interventions visant à les informer des changements liés à l’adolescence et de la vulnérabilité particulière au stress durant cette période, mais aussi de la manière dont ils peuvent soutenir leur∙e∙s jeunes.
La promotion de la santé mentale passe également par l’enseignement des compétences psychosociales, définies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces compétences de vie, quand elles sont intégrées, permettent une adaptation des comportements en fonction des contextes, afin de traverser des situations complexes de manière adéquate. Il est important que les professionnel∙le∙s qui entourent les jeunes puissent adopter une posture leur permettant d’apprendre à utiliser ces compétences qui favorisent tant la santé mentale que les apprentissages.
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Des stratégies personnelles de régulation des émotions et de gestion du stress peuvent être également valorisées, comme la pratique d’un sport qui procure du plaisir, des activités en lien avec la musique ou toutes expériences à vivre à plusieurs, favorisant les échanges. Ces pratiques peuvent en effet constituer un antidote au stress. En revanche, il est important de considérer qu’il existe une grande variabilité de goûts et d’envies : l’important est que le∙la jeune puisse trouver une activité qui lui convient. D’autres outils plus spécifiques ont également montré leur efficacité dans la régulation des émotions et du stress, comme la cohérence cardiaque et la méditation de pleine conscience.
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La promotion de la santé mentale des jeunes : mais de quoi ont-ils besoin ?
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Malgré leur vulnérabilité liée aux changements biologiques, psychiques et sociaux, les adolescent∙e∙s ont besoin de pouvoir vivre toutes sortes d’expériences, afin de construire leur identité. « Nous avons la responsabilité de leur servir de garde-fous », nous indique Camille Piguet-Nemitz, notamment en repérant les jeunes qui suscitent notre inquiétude, afin de pouvoir les orienter vers une prise en charge liée à leur situation particulière. Avant cela, nous pouvons, par le lien de confiance que les jeunes peuvent nous témoigner, les interroger sur leurs besoins et leurs nombreuses ressources, dans le but qu’ils∙elles puissent trouver les outils qui les aident à surmonter les difficultés du quotidien. Nous avons donc la responsabilité de nous informer sur les troubles psychiques dont nous parlent les jeunes, afin de pouvoir les aider au mieux, et d’avoir connaissance du réseau médical en cas d’inquiétude pour la santé d’un∙e jeune.
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Quelques ressources pour réguler son stress
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Exercices de cohérence cardiaque (développés par le CHUV)
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​Sessions de méditation pleine conscience (par stressnetwork.ch)
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Les compétences psychosociales
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Savoir résoudre des problèmes et savoir prendre des décisions
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Savoir communiquer efficacement et être habile dans les relations interpersonnelles
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Avoir conscience de soi et avoir de l’empathie pour les autres
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Avoir une pensée critique et avoir une pensée créative
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Savoir gérer son stress et savoir gérer ses émotions