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Construire une image corporelle positive à l’adolescence : quel est mon pouvoir

d’action en tant qu’adulte ou

professionnel·le ?

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​​​​​Résumé du lunch santé donné par  Mylène Ngouontcheu, psychologue, Maison de santé communautaire, Claudine Frésard et Agathe Surmont, conseillères en santé sexuelle, Centre de santé sexuelle – planning familial Jura

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Qu’est-ce que l’image corporelle positive ?

L’image corporelle positive est le fait : 

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  • d’accepter son corps même sans être complètement satisfait·e de tous ses aspects

  • de se focaliser sur ses atouts plutôt que sur ses complexes, d’avoir confiance et de s’affirmer

  • d’avoir un investissement adapté dans son apparence, de prendre soin de soi, de se mettre en valeur si et comme on en a envie, à l’aide de méthode ne comportant pas de risques

  • de filtrer les informations de manière à se protéger

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L’image corporelle positive est un mode de relation à soi-même qui peut évoluer et qui n’est pas permanent. On l’associe à des questions de bien-être, de qualité de vie et de santé. La construction d’une image corporelle positive peut être particulièrement utile pour se protéger de l’image négative qui peut être parfois projetée par les pairs. À ce sujet, comment ne pas penser aux réseaux sociaux : il est d’ailleurs important d’interroger les impacts de ces derniers avec les jeunes, mais aussi de ne pas les diaboliser, car ils représentent aujourd’hui une part importante de la vie des jeunes, pour le meilleur comme pour le pire.

Même si on aborde principalement la construction d’une image corporelle positive à l’adolescence, cette thématique est présente durant la totalité de la vie d’une personne, car des changements corporels ont lieu lors de différentes périodes de la vie et pas uniquement à l’adolescence. L’image corporelle positive se développe selon des contextes biologiques (génétique, physique, pubertaire), psychologiques (personnalité, santé mentale, facteurs cognitifs) et socioculturels (facteurs culturels et normes sociales, modes d’information et de communication) et les interactions à l’intérieur et entre ces contextes.

En Suisse, l’étude HBSC de 2022 auprès des 11-15 ans montre que 51% des adolescent·e·s appartenant à cette tranche d’âge sont insatisfait·e·s de leur poids. Les garçons ont généralement une meilleure image corporelle que les filles, mais ils sont quand même concernés par cette problématique. L’évolution de l’image corporelle est plutôt défavorable chez les filles. Globalement, il y a une inadéquation entre la perception du poids corporel et l’indice de masse corporel.

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La puberté et l’importance de l’image corporelle à l’adolescence

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Comme il a été expliqué ci-dessus, les questions liées à l’insatisfaction de l’image corporelle peuvent se présenter à tous les âges de la vie. Néanmoins, elles sont particulièrement importantes à l’adolescence car cette période consiste en effet en « l’interaction de transformations physiques, d’un processus psychologique et d’un changement de statut psychosocial », durant laquelle « les équilibres émotionnels et affectifs sont bouleversés »[1].

Il est important de noter que l’adolescence en tant que concept est une construction sociale. Il existe plusieurs définitions de l’adolescence et le concept n’est pas universel : on ne parle pas d’adolescence partout dans le monde et à toutes les périodes de l’histoire. Toujours dans cette perspective sociale de l’adolescence, cette dernière constitue un phénomène individuel mais également de groupe, c’est-à-dire que les facteurs qui influencent cette période de la vie ainsi que ses effets ne sont pas propres à un individu mais ont également une portée collective.

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Le début de l’adolescence est marqué par la puberté. Si l’adolescence est une construction sociale qui peut durer, selon les définitions, jusqu’à la majorité civile, l’indépendance matériel ou encore jusqu’à l’âge de 25-30 ans si l’on se réfère à la maturation complète du cerveau, la puberté est néanmoins un évènement physiologique avéré d’une durée de 4 à 5 ans et déterminé par des aspects communs, bien que pouvant subvenir à des âges différents selon les individus. Elle est caractérisée par d’importants changements dans le corps et le comportement des adolescent·e·s :

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  • changements corporels et hormonaux (poussée de croissance, maturation des organes génitaux,…)

  • affirmation du corps : intérêt nouveaux pour la sexualité et développement de caractéristiques individuelles (silhouette, forme, pilosité,…)

  • développements comportementaux et (psycho)sociaux : image de soi, relation à la normalité, prise de distance avec les adultes, expérimentations de relations intimes,…

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Ces nombreux changements qui se produisent simultanément peuvent être perturbants et difficile à gérer pour les jeunes. Dans ce contexte, l’image corporelle peut entraîner des conséquences sur la sexualité des adolescent·e·s et particulièrement sur la confiance et l’estime de soi ainsi que sur l’exploration, la satisfaction ou encore l’anxiété sexuelle. Dans l’autre sens, la sexualité peut influencer l’image corporelle par validation par les pairs, comparaison sociale ou au travers des médias (notamment les réseaux sociaux) ou encore par la pornographie. Cette dernière peut par exemple instaurer des standards irréels et irréalisables auprès d’un public adolescent.

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Dans le contexte de l’adolescence et de la puberté, il est donc légitime que les jeunes se questionnent à propos d’eux-/elles-mêmes, de leur image corporelle et de leur sexualité, de même qu’entre eux et elles. En raison du besoin de distanciation avec les parents que ressentent les jeunes à cette période, il devient essentiel que les professionnel·le·s en contact avec ces derniers et dernières prévoient du temps et des espaces appropriés pour les accompagner et leur fournir les repères nécessaires.

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Conduites à risque ou exploratoires ?

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Les débats sur le comportement des adolescent·e·s se doivent aussi d’être nuancés. Effectivement, nous assistons depuis maintenant plusieurs décennies à la mise en avant, par les médias mais également par la communauté scientifique, d’une « représentation déficitaire et stigmatisante de l’adolescence (mythe du ″tourment normatif″) »[2]. Cette « pathologisation » définit les comportements des jeunes comme « à risque » ou « problématiques ». Ce discours doit être questionné puisque, dans le contexte adolescent de quête de soi et d’appropriation d’un corps en changement, ces conduites exploratoires deviennent essentielles : elles permettent de prendre des engagements et de s’adapter. Un comportement « à risque » a par définition une issue incertaine, et l’apparition d’un danger « objectif » est peut-être moins valorisé par l’individu adolescent que les bénéfices « subjectifs » potentiels. Ces conduites que l’on qualifiera plutôt d’« exploratoires » permettent en fait à un·e jeune de se développer, de s’adapter, de se comparer aux autres et de se connaître soi-même, et auront donc un effet subjectif perçu bénéfiquement supérieur à l’éventuel effet négatif objectif.

Pour illustrer cela en rapport avec la thématique de la sexualité, prenons l’exemple de l’échange de nudes (photographies de soi-même, selfies, en étant nu·e ou partiellement dénudé·e). Pour le ou la jeune, la balance entre bénéfices subjectifs perçus et risques objectifs est la suivante :

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Dans une situation comme celle-là, le positionnement du/de la professionnel·le est important : ce n’est pas la pratique en soi qui doit être condamnée, mais bien les éventuelles conséquences négatives (harcèlement, humiliations, etc.). Le rôle de l’adulte est ici de questionner ses propres représentations (« est-ce que j’ai un discours diabolisant ? », « est-ce que je sur-responsabilise les adolescent·e·s ? »), d’éduquer au consentement et au respect de l’intimité, d’établir un cadre inclusif (charte, non-discrimination, etc.), de participer à la réduction des risques (par exemple conseiller d’éviter de montrer son visage, des signes distinctifs qui permettraient de reconnaître le corps ou les lieux), et finalement de soutenir les victimes, condamner les jeunes malintentionné·e·s et encourager à la solidarité.

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En général, les professionnel·le·s devraient être amené·e·s à agir de manière préventive, selon les pistes d’action suivantes : garantir un climat inclusif, informer sur la puberté et l’image corporelle en normalisant la diversité des corps et des développements (ateliers, brochures, sites internet, podcasts, etc.), être à l’écoute des préoccupations des jeunes et les prendre au sérieux, offrir des occasions d’apprécier ce que permet de faire son corps, encourager l’esprit critique et la distanciation face à des représentations irréalistes et discriminantes.

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Quelques ressources…

 

[1] Discour, V. (2011) : « Changements du corps et remaniement psychique à l'adolescence », Les Cahiers Dynamiques, 50, 2011/1, 40-46.

[2] Zimmermann et al. (2017) : « Conduites à risque à l’adolescence : manifestations typiques de construction de l’identité ? », Enfance, 2/2017, 239-261.

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Bénéfices subjectifs perçus

  • distance/anonymat

  • construction de la confiance en soi

  • construction de relations basées sur la confiance

  • revendication à disposer librement de son corps

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→ contribution à la socialisation sexuelle et à la construction identitaire

Risques objectifs

  • rediffusion, harcèlement, humiliation, chantage

  • amplification de la sanction par les caractéristiques des médias sociaux (rapidité, traces, anonymat)

  • attentes différenciées selon le genre

  • attentes envers les jeunes filles contradictoires : expérimentation ET responsabilité

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